Fitou,
l’authentique aux deux visages

En botanique, la fraise est un faux fruit. La partie rouge et charnue que l’on déguste est, en fait, le réceptacle de la fleur. Les véritables fruits sont les petits grains jaunes ou bruns - appelés akènes - disséminés à la surface.

Un terroir entre mer et montagne, une richesse de sols – plus de 22 différents, des vieilles vignes qui résistent bien aux coups de chaud, des vents puissants -cers et tramontane- : tout est réuni pour en faire une appellation de caractère. Mais y-a-t-il vraiment un Fitou ? Pas vraiment vous diront les vignerons tant l’appellation présente des visages bien distincts : son terroir maritime vers Leucate, Fitou ou La Palme, avec des sols argilo-calcaires soumis aux influences maritimes. Et son terroir du Piémont, le Fitou Montagne, à plus de 150 mètres d’altitude, autour de Cascastel, Villeneuve, Tuchan, où dominent les schistes.

Sur ce petit terroir de 2500 hectares, au beau milieu de l’AOC Corbières, vignerons et caves coopératives ont envie de monter en gamme et de redonner un coup de jeune au Fitou. Cette mini-révolution passe par un renouveau dans le travail des sols mais aussi dans les chais. Au domaine Lerys, on est vignerons depuis huit générations, mais Alban Izard, arrivé en 2012, est le premier à sauter le pas de la conversion bio de ses 60 hectares. La vinification a évolué, menée à basse température, avec une macération plus longue. « On a privilégié la douceur, en limitant les intrants extérieurs. » Résultat ? 

« Un vin qui a de la couleur, du fruit, des tanins fins. »

À la cave des maîtres vignerons de Cascastel, qui existe depuis 1921, on n’est pas loin des mêmes préconisations. « On a amélioré nos sélections, on les peaufine sur les âges des vignes, on s’adapte à chaque millésime. On recherche beaucoup plus de gourmandise, de fruit et croquant, moins de bois », confie son jeune directeur Atmann Afanniss. Sélections parcellaires, clubs de vignerons, une vingtaine de cuvées de Fitou (s) qui disent la diversité des goûts, et des rendements moyens de 30 hectolitres par hectare :

« Très loin de la recherche de volume, nous produisons des vins de qualité : Nous sommes Vignerons Artisans ».

Pas très loin de la cave, le domaine Grand Guilhem fait figure de précurseur avec une vigne certifiée bio depuis vingt-deux ans, et des vins dits naturels, pas toujours raccords avec ce que l’appellation Fitou attendait de ses vins AOC. « Mes vins, en AOC Fitou, ont été déclassés à partir de 2015. Aujourd’hui, je refais une cuvée en appellation. » 10,3 hectares, un terroir de poche en schistes et calco-schistes, qui offrent une belle minéralité, « des sols très pauvres, assez représentatifs du Haut Fitou qui sont parmi les plus pauvres de France. Sur mes vignes dans la force de l’âge, je ne dépasse pas les 20  hectolitres par hectare. Il faut savoir accepter des faibles rendements ».

L’appellation a gagné, ces dernières années, quelques nouveaux venus et un renouvellement de générations dans les domaines. Des valeurs sûres comme le château de Nouvelles – dans la famille Daurat-Fort, depuis 1834 – côtoient des petits nouveaux comme le Mas des Caprices créé en 2009 par Mireille et Pierre Mann, couple de vignerons alsaciens, et cultivé en biodynamie.

Après un été de canicule, et deux millésimes compliqués, la vendange 2019 s’annonce plutôt bien, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le carignan, très adapté aux climats méditerranéens, a bien résisté à la sécheresse, pourvu qu’il ait été taillé en gobelet, comme le faisaient les anciens. 

« Si tout continue ainsi, ce sera une belle année, quantitativement et qualitativement », se réjouit Alban Izard.

Alban Izard

Vigneron domaine Lerys, chargé de communication du syndicat

« La diversité fait la richesse de notre appellation »

Comment imaginez-vous l’avenir de la doyenne des AOC du Languedoc ?

 

On tient bien sûr à se reposer sur ce passé historique. Mais aujourd’hui, les vins et les vignerons ont pris un virage qualitatif qui correspond à l’air du temps. On n’est plus dans les Fitou (s) rustiques et massifs, les vignerons s’attellent à un travail sur la finesse, la fraîcheur et le fruit. Cela nous permet de coller au goût du marché, et d’aller vers des vins plus digestes, plus faciles à boire. On ne veut plus que le Fitou soit le vin associé au cassoulet ! Mais un vin de plaisir, qu’on peut boire avec tout type de plat et de cuisines. On a la chance d’avoir ce terroir si étrange, en deux zones géographiques très différentes.

Puisqu’il y a une multitude de Fitou (s), qu’est ce qui donne son identité, sa personnalité à ce rouge languedocien ?

 

C’est le carignan, emblématique de l’appellation. C’est un cépage marqueur du terroir, qui peut donner des profils de vins totalement différents, selon qu’il est implanté sur des sols calcaires ou des schistes. On y est attaché, c’est le cépage méditerranéen par excellence.

Comment travaillez-vous l’image de l’appellation en dehors des limites régionales ? A-t-elle changé ?

 

On avait peut-être une image un peu poussiéreuse et vieillotte. On veut montrer que l’appellation s’est rajeunie tout en gardant son authenticité, que de nouvelles générations arrivent. Historiquement, le Fitou est un vin qui s’exporte bien, en Belgique, au Canada… On continue de développer cela, sans que les vins n’y perdent leur caractère.

APPELLATION COMMUNALE ?

L’AOC régionale Languedoc constitue le socle de la pyramide des appellations de la région. Au deuxième étage de cette pyramide, figurent les appellations sous-régionales (AOC Corbières, Minervois, Saint-Chinian…). Jusqu’à cette année, Fitou en faisait partie. Elle est désormais passée au cran au-dessus en devenant « communale », appellation plus restreinte – qui ne regroupe pas plus de dix communes -, plus qualitative aussi. Avec ce nouveau classement, les vignerons de Fitou, dont les terres se situent aussi sur l’AOC Corbières, peuvent aussi classer leurs vins en Corbières.

Les chemins du Fitou

Les vignerons du syndicat du Fitou ont bien compris que leurs terres entre mer et montagne, étangs, garrigues et vieilles pierres, avaient tout pour séduire les visiteurs.

Alors ils ont conçu un road-movie au fil de leurs villages, une balade dans les vignobles mais aussi sur les sentiers de randonnées, dans le patrimoine local ou au gré des chambres d’hôtes vigneronnes. Le guide les chemins du Fitou, disponible en office de tourisme ou téléchargeable, est in-dis-pen-sable pour une première visite en Fitou !

Infos pratiques :

Syndicat de l’AOC Fitou,
pour tout savoir sur les événements,
le terroir, les vignerons,
les vins, les chemins du Fitou,

04 68 40 42 70
fitouaoc.com

Les maîtres vignerons de Cascastel,
Grand-Rue, 11360 Cascastel,
04 68 45 91 74
vin-cascastel.com

Domaine Grand Guilhem,
Séverine et Gilles Contrepois,
1 chemin du Col de la Serre,
11360 Cascastel-des-Corbières,
04 68 45 86 67
grandguilhem.fr/le-domaine-grand-guilhem

Domaine Lerys,
Alban Izard,
13, avenue de Hautes Corbières,
11360 Villeneuve-les-Corbières,
06 49 53 27 33
domainelerys.com